Le mouvement des sans terres au Brésil, une organisation de masse
L’évènement le plus passionnant pour moi cette année a été une rencontre avec les militants du mouvement des sans terre du Brésil, dont un représentant était venu à Vénissieux aux rencontres internationalistes de 2022, et que nous avons invité cette année encore le 16 novembre prochain.
J’ai mieux compris l’histoire de ce mouvement de masse, plus d’un million de paysans sans terre qui s’organisent pour occuper des terres en friche de grands propriétaires agraires, les cultiver et développer une agroécologie opposée à l’agrochimie de l’industrie des grandes propriétaires.
Ce sont des jeunes, la plupart moins de 30 ans qui sont venus et pourtant, premier sentiment surpris, ils sont très organisés pour intervenir, à partir de leur expérience personnelle. On sent que ce ne sont pas des discours de réseaux sociaux mais une pensée collective débattue largement qui permet à chacun d’être autant un combattant social qu’un combattant idéologique.
Ils insistent sur le lien entre les revendications paysannes de l’accès à la terre pour pouvoir se nourrir et la nécessité d’une réforme agraire populaire pour permettre un changement social qui sorte des millions d’habitants des villes de la pauvreté et de la faim.
Et c’est d’ailleurs l’idée la plus surprenante dans leurs explications. Ils travaillent avec une université chinoise pour développer la mécanisation de l’agriculture familiale. Ils disent clairement qu’ils ne veulent pas faire une agriculture biologique à petite échelle, mais démontrer qu’ils sont capables de nourrir tout le Brésil !
Et quand je leur demande comment ils appellent leur projet de société, aucune hésitation et la plus jeune me répond « comme avec nos amis cubains, pour nous, le changement de société, c’est le socialisme ! »
En réponse à une autre question, ils précisent que les paysans du MST sont libres d’organiser leur activité eux-mêmes, même si le mouvement aide à développer des pratiques d’agroécologie. Ils savent qu’ils ne peuvent pas d’un coup de baguette magique faire du 100% bio en circuit court, donc ils aident, ils apprennent, ils progressent, avec la volonté d’unir tout en sachant qu’ils sont aussi dans des contradictions… Une conception très pragmatique dont on pourrait s’inspirer en France !
Un autre intervenant leur demande comment ils font face à la violence, et là aussi, je me dis que c’est une question qui nous concerne vraiment après les manifestations sociales qui dégénèrent en France. Leur réponse est directe et franche. Leur première préoccupation est leur protection. Comme en témoigne une jeune femme, la violence, ils sont nés dedans. La société brésilienne est très violente et les paysans pauvres font face depuis toujours aux policiers qui travaillent pour les grands propriétaires. Beaucoup de dirigeants du MST ont été assassinés, et donc leur premier souci est de se protéger, d’organiser la résistance pour permettre la vie de leur base paysanne. La même dira clairement, avec le poids de Bolsonaro, l’heure n’est pas à l’offensive contre les forces violentes.
Des leçons pour le mouvement social…
En écoutant ces militantes et militants du Brésil, je me suis dit que nous avions beaucoup à apprendre de leur expérience, et notamment de la qualité de leur organisation, de leur capacité à se former, construire une orientation politique et qu’elle soit portée par l’ensemble des militants.